Suite aux deux démissions consécutives de Raouf Basti (président) et Abdellatif Ben Ammar (réalisateur et membre) de la Commission d’aide à la production cinématographique, réalisateurs et producteurs de projets confiés à cette commission se sont constitués en collectif pour réagir et demander la constitution d’une nouvelle commission sous le signe de « la transparence, la compétence et l’absence de conflits d’intérêts».
La démission du membre et du président de cette commission a créé une impasse, surtout que cela a été fait à la dernière ligne droite des travaux en question. Une première dans l’histoire de la Tunisie ! Notons que l’administration s’est empressée de nommer une présidente, Kmar Ben Dana, et un membre, Abdallah Yahia, en remplacement des deux démissionnaires.
«C’est une commission nommée sous l’ancienne ministre chiraz Latiri avec un peu d’improvisation, a déclaré Selma Baccar. Dans cette commission, il y a un conflit d’intérêts parce qu’elle associe des membres qui font partie du conseil stratégique du Cnci. Mais on avait confiance en Raouf El Basti et Abdellatif Ben Ammar. La démission de Raouf Basti, dont la valeur n’est plus à démontrer, nous a sincèrement bousculés. Il y a donc un problème de confiance dans cette commission et une rupture dans le dialogue concernant les critères de sélection. Alors qu’on est en pleine crise de confiance qui nécessite un changement de tous les membres de la commission, on est surpris par la nomination de deux remplaçants qui ont besoin déjà du temps pour lire les projets. Conjoncturellement, nous avons réagi parce que nous sommes concernés, mais aussi pour attirer l’attention sur le problème de tout un secteur qui doit être réorganisé et devant une telle profusion de projets, la commission ne peut pas continuer à travailler selon la loi de 2001, aujourd’hui caduque »
Pour sa part, Brahim Ltaeif a déclaré : « Depuis la démission de Hend Boujemaa et Moncef Dhouib, la fragilité de cette commission était déjà prévisible. Peut-on confier des projets qui ont nécessité des années de travail à une commission qui n’est pas stable. La démission du président dévoile un vide juridique. A cela s’ajoute le nombre élevé des projets, soit 13.880 pages à lire entre devis, scénarios, etc. Abdallah Yahia et Kmar Ben Dana pourront-ils lire toutes ces pages et rattraper le reste des membres qui a déjà plongé dans ces projets depuis des mois ? Mathématiquement impossible ! Nous ne sommes contre personne, mais c’est scientifiquement et humainement impossible. »
Dans cette conférence, les intervenants ont aussi évoqué le problème d’une préférence d’un « certain » cinéma par rapport à un autre, soulignant qu’il n’y a pas lieu de parler de conflit de générations, et qu’il y a de la place pour tout le monde.
« Nous n’avons aucun problème avec les personnes, mais nous contestons la manière dont cette commission a été créée, dit Habib Mestiri. Une commission improvisée et qu’on soupçonne d’accointance d’autant que certains de ses membres n’ont pas la compétence nécessaire pour lire un projet ni la connaissance des particularités du cinéma tunisien. On se pose aussi la question: pourquoi ne pas avoir changé toute la commission ? Ne serait-ce que pour maintenir les quatre membres restants ? »
Si Raouf Basti n’a pas donné de raison pour sa démission, Abdellatif Ben Ammar semble avoir confié à Marouen Medddeb (Association tunisienne des réalisateurs indépendants) qui a rapporté: «J’ai contacté Abdellatif Ben Ammar par téléphone et il m’a déclaré qu’il s’est retiré pour des raisons déontologiques et morales. Il m’a aussi déclaré qu’ils ont soupçonné des accointances claires avec certains projets et qu’ils ont voulu fixer des critères de choix, surtout pour encourager le film tunisien qui emploierait le plus de techniciens tunisiens et éviter les quotas. Ces critères n’ont pas été acceptés et c’est la raison de leur démission. N’oublions pas que le problème fondamental est de défendre un cinéma tunisien qui fait vivre les cinéastes et techniciens tunisiens et qui représente tous les Tunisiens. »